Asticothérapie

L'asticothérapie, aussi nommée larvothérapie, sert à désigner l'introduction intentionnelle par un praticien de santé de larves préalablement désinfectées d'une espèce de mouche, la Lucilia sericata ou Mouche verte, dans une plaie pour la soigner.



Catégories :

Médecine vétérinaire - Entomologie

Larves traitant une plaie

L'asticothérapie, aussi nommée larvothérapie, sert à désigner l'introduction intentionnelle par un praticien de santé de larves (asticots) préalablement désinfectées d'une espèce de mouche, la Lucilia sericata ou Mouche verte, dans une plaie pour la soigner. Les plaies doivent être dans des tissus mous du corps humain (ou d'un animal).

Les asticots de cette mouche, utilisés depuis l'Antiquité, ont la propriété de ne consommer que les tissus nécrosés (morts) en facilitant la cicatrisation des tissus sains, et en stimulant la production de tissus cicatriciels, tout en désinfectant les plaies sans usage d'antibiotiques.

Synonymes

L'asticothérapie est nommée «Madentherapie» par les Allemands et les Néerlandais, «Maggot Debridement Therapy» (MDT) par les anglophones, qui parlent aussi de «larval therapy», «larva therapy» ou «larvæ therapy».

Histoire

L'utilisation d'asticots est documentée par des chroniqueurs pour le traitement de plaies dès l'Antiquité, à la Renaissance (en Europe) et plus il y a peu de temps. Les Indiens Maya et certains aborigènes d'Australie utilisaient aussi cette technique.

Regain d'intérêt

L'utilisation généralisée des antibiotiques a, en quelques décennies, génèré la sélection d'un nombre croissant de souches bactériennes et fongiques nosocomiales (résistantes puis multi-résistantes aux antibiotiques).
En 1989, le Dr. Ronald Sherman, médecin de l'université d'Irvine (Californie) , a créé un service spécialisé dans le traitement par les asticots au «Veterans Affairs Medical Center» de Long Beach (Californie). Il y a lancé la première épreuve clinique contrôlée utilisant des asticots pour soigner des ulcères de la colonne vertébrale chez des vétérans. Il a pour cela utilisé une souche choisie de Lucilia sericata vendue sur le marché comme «larves médicales». Les succès de cette épreuve clinique chez des patients dont les traitements qui ont précédé avaient échoué ont relancé l'intérêt de la communauté médicale pour cette thérapie.
En quatre ans, plus de cinquante articles scientifiques ont décrit l'utilisation médicale d'asticots, portant sur 400 patients ayant fait l'objet d'études cliniques, parmi six mille traités et répertoriés (pour un éventuel suivi à long terme). Selon cette littérature médicale, 40% à 50% des membres ainsi traités ont été sauvés.

Plus de 3 000 médecins (de cliniques et d'hôpitaux) dans plus de 20 pays utilisent actuellement cette technique, qui pourrait utilement se développer dans les pays où l'accès aux antibiotiques est complexe et/ou à l'endroit où les souches de pathogènes nosocomiaux se développent. En 2003, à peu près 3 000 traitements ont été administrés à 6 000 à 10 000 patients.

Position de la FDA aux États-Unis

Les larves médicales doivent être aux États-Unis agréées par la FDA qui a autorisé (Premarket notification 510 (k) 033391, Janvier 2004, ) le Dr. Ronald Sherman à produire et vendre des larves pour soigner l'homme ou des animaux, sur prescription médicale, pour certaines indications (plaies infectieuses nécrotiques incurables et blessures des tissus mous, dont escarres, ulcères de stase veineuse, ulcères neuropathiques des pieds, et traumatismes non curables ou plaies post-chirurgicales. [1]

Les larves médicales sont les premiers organismes invertébrés vivants autorisés par la FDA pour mise sur le marché à fin médicale. Près de 500 centres de santé aux États-Unis utilisent déjà cette thérapie en 2008.

Position de la France

L'asticot a été reconnu comme médicament en 2004.
Une étude «en double aveugle» est aujourd'hui (en 2008) conduite par Anne Dompmartin à l'hôpital CHU de Cæn où des asticots sont utilisés, enfermés dans un pansement spécial à humidifier 2 fois par jour (80 à 120 € l'unité, apporté par le laboratoire allemand BioMonde), Il n'est utilisé que pour les plaies infectées ou fibreuses, chez des patients volontaires. Ces asticots sont issus d'œufs désinfectés. 90 patients ont été traités au 4 avril 2008[2], sur 120 patients prévus dans le cadre de cette étude.

Mécanismes d'action

Mouche Lucilie (il en existe plusieurs espèces, dont l'une intéresse la médecine)

Les larves nécrophages, selon la littérature médicale :

La cicatrisation est accélérée et la douleur atténuée. Il est plausible que la sélection naturelle ait favorisé les larves produisant des substances diminuant la douleur ou le prurit, faute de quoi l'hôte chercherait à s'en débarrasser. Les asticots qui se nourrissent de chair en décomposition baignent dans un bouillon de culture. Il est aussi plausible qu'ils sécrètent des antibiotiques. Dans ce cas, leur utilisation doit être attentivement surveillée, car une nouvelle vague de souches microbiennes nosocomiales résistant aux asticots (en les infectant par exemple) pourrait apparaître. Une polythérapie associant un traitement antibiotique reste envisageable.

L'asticothérapie reste compatible avec d'autres types de soins dont certains antibiotiques. Elle n'est pas compatible avec le traitement des plaies sous pression négative, mais peut le précéder. À l'endroit où le chirurgien ne pouvait nettoyer en temps réel et en profondeur, des infections ou une gangrène envahissant des tissus 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 (le nettoyage chirurgical des plaies ne se fait qu'une à deux fois par semaine), les asticots peuvent nettoyer sans relâche, à bien moindre coût.

Les larves produisent leur aliments par «digestion extracorporelle» grâce à un large éventail d'enzymes protéolytiques qui liquéfient le tissu nécrotique tout en le désinfectant. Les larves absorbent ensuite pour s'en nourrir le tissu mort sous forme semi-liquide, en quelques jours.
Dans une blessure constituant pour elles un environnement optimal, les larves muent deux fois, passant de 1 à 2 millimètres à 8 à 10 millimètres en 3 à 4 jours.

Effet désinfectant

Toute infection d'une blessure est une complication médicale sérieuse. Si la souche infectieuse est nosocomiale, il devient complexe ou impossible de traiter l'infection qui devient un danger pour le membre atteint et la vie du patient.

Les asticots désinfectent le plus souvent efficacement les plaies et blessures tout en les nettoyant, même s'il s'agit de bactéries résistantes aux antibiotiques.

De premières expérimentations ont montré in vitro dès les années 1930 le caractère antimicrobien à large spectre des sécrétions des larves. En 1957, un facteur antibiotique a été isolé dans ces sécrétions et décrit dans le journal "Nature". On pense que sont surtout impliqués de l'allantoïne, de l'urée, de l'acide phénylacétique, des phénylacétaldéhydes, du carbonate de calcium et des enzymes protéolytiques. Des bactéries non tuées par ces sécrétions sont aussi ingérées et lysées au sein des larves.

In vitro, les larves se sont montrées capables de détruire un éventail de bactéries pathogènes incluant des variants de Staphylococcus aureus résistants à la méthicilline et des streptocoques du groupe A et du groupe B, des souches aérobies et anaérobies grampositives.

Chez cinq patients (cas publiés) victimes de streptocoques résistants, après l'échec de 18 mois de thérapie conventionnelle, l'asticothérapie a pu éliminer la bactérie de l'ensemble des blessures en moyenne en 4 jours.

Effet curatif

Les sécrétions de ces asticots semblent accélérer la production par l'hôte de tissus cicatriciel, via la production chez l'hôte d'un facteur de croissance de l'épiderme. In vitro, les larves stimulent la croissance des fibroblastes humains et des chondrocytes à croissance lente. Le collagène II spécifique des tissus cartilagineux augmente dans l'environnement corporel dans la zone de sécrétion des larves. Le micro-massage induit par les mouvements des asticots pourrait aussi intervenir. Des chercheurs dont le Dr. Ronald Sherman cherchent à élucider les mécanismes en cause.

L'allantoïne trouvé dans les sécrétions larvaires (molécule utilisée dans de nombreux gels de rasage) a un effet calmant sur la peau (Ref.  ; Chapitre introductif de Borror et al., in "An introduction to the study of insects" 6th Ed. )

Application (pansements de larves)

Ils doivent être perméables à l'air car les larves sont aérobies. Elles sont disposées dans la blessure où elles doivent pouvoir se mouvoir librement durant 2 jours. Elles peuvent être contenues dans une sorte de poche scellée, positionnée sur la blessure. Les larves qui ont assez mangé sont plus grosses et cherchent à quitter la blessure. Ôter les larves de la blessure jugée bien nettoyée est aisé. L'opération est renouvelée l'ensemble des 2 jours, jusqu'à nettoyage complet.

En Allemagne, l'institut Hohensteiner cherche à développer des pansements en poche poreuse pourvue d'un filet de nylon contenant les vers stériles issus de culture, permettant aux larves de ne pas être écrasées par le pansement, le tout protégeant les patients sensibles de leur vision. Il cherche aussi à extraire ou synthétiser les molécules excrétées par cet asticot pour en imprégner un pansement.

Soins vétérinaires

Dans le monde, de nombreuses médecines vétérinaires respectant les traditions ont utilisé des asticots pour nettoyer le tissu mort de blessures animales. C'est une méthode spécifiquement efficace dans les cas d'ostéomyélite et ulcères chroniques, et en présence de tout pus dans des plaies produites par l'équipement de travail.

Aux États-Unis, en 2003 Scott Morrison, vétérinaire spécialiste du sabot à l'Hôpital pour chevaux Rood and Riddle de Lexington (Kentucky), a commencé à utiliser les asticots pour traiter les chevaux, pour les maladies du sabot, ou des complications, pour des ostéomyélites secondaires, pour des abcès et ulcères, en actions postchirurgicales.

Évolution

Un avantage sélectif est procuré à cette mouche, lui servant à survivre en suivant les troupeaux sauvages ou domestiques ou dans leur environnement, assez à l'abri des prédateurs, jusqu'à ce que les larves puissent quitter la plaie, tomber au sol et se transformer en pupes. On peut parler de symbiose ou de mutualisme.

Références

  1. ("For debriding non-healing necrotic skin and soft tissue wounds, including pressure ulcers, venous stasis ulcers, neuropathic foot ulcers and non-healing traumatic or post surgical wounds. ")
  2. ouest-France, 4 avril 2008

Liens externes

Voir aussi

Recherche sur Google Images :



"l'asticothérapie,"

L'image ci-contre est extraite du site museum-neuchatel.ch

Il est possible que cette image soit réduite par rapport à l'originale. Elle est peut-être protégée par des droits d'auteur.

Voir l'image en taille réelle (400 x 261 - 34 ko - jpg)

Refaire la recherche sur Google Images

Recherche sur Amazone (livres) :




Ce texte est issu de l'encyclopédie Wikipedia. Vous pouvez consulter sa version originale dans cette encyclopédie à l'adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Asticoth%C3%A9rapie.
Voir la liste des contributeurs.
La version présentée ici à été extraite depuis cette source le 12/11/2009.
Ce texte est disponible sous les termes de la licence de documentation libre GNU (GFDL).
La liste des définitions proposées en tête de page est une sélection parmi les résultats obtenus à l'aide de la commande "define:" de Google.
Cette page fait partie du projet Wikibis.
Accueil Recherche Aller au contenuDébut page
ContactContact ImprimerImprimer liens d'évitement et raccourcis clavierAccessibilité
Aller au menu